Propos recueillis par Ken Joseph
Photos : Yvan Cimadure - Xavier Dollin
Mais qui sont ces femmes qui ont franchi le pas de l’entrepreneuriat et qui déjouent tous préjugés sexistes ? Quels rêves les ont transporté ? Rencontre d'une entrepreneure qui creuse son sillon et multiplie les territoires d’exploitation avec une exigence et une indépendance d’esprit qui nous épatent.
Pensez-vous que les femmes soient suffisamment représentées dans le monde entrepreneurial ?
Très récemment, un journal a montré une photo de la France qui réussit : que des hommes et blancs. Pas une seule femme, pas une seule personne non blanche alors que l’on sait que des success-stories existent pour ces personnes. D’ailleurs, quelques jours après, des entrepreneures ont répliqué en photo avec la même scénographie pour montrer que des femmes chefs d’entreprises à succès, cela existe. Je dirais que c’est homme centré. Pays conservateur ? Il y a des femmes qui réussissent, pourquoi ne les voit-on pas plus ? Je ne sais pas. En revanche, l’entraide féminine par des réseaux de femmes est bien là.
Voir des femmes gagner beaucoup d’argent devrait être quelque chose d’aussi normal que de voir un homme dans le même cas. À mon avis, c’est une question sociétale.
D’autre part, certains experts expliquent la sous-représentation des femmes dans l’entrepreneuriat parce qu’elles sont supposées être : des êtres allergiques aux risques, manquant de confiance et mal à l’aise avec la réussite personnelle ou économique. Que pensez-vous de ces avis ?
Les femmes ont une gestion du risque différente des hommes et les sociétés gérées par elles tiennent plus longtemps, grâce à ce fait. Beaucoup de femmes entreprennent avec l’objectif d’améliorer leurs qualités de vie, avoir un emploi du temps plus souple pour mieux gérer leur vie familiale… Celles qui se lancent dans l’aventure avec un objectif financier ambitieux sont sûrement moins nombreuses à mon sens pour deux raisons. Premièrement, en France, la question de l’argent est taboue et il vaut mieux cacher sa réussite que d’en être fière, a fortiori si l’on est une femme. Enfin, il faut avouer qu’il y a des croyances limitantes propres aux femmes qui ne permettent pas de casser ce plafond de verre financier. Mesdames, c’est OK, si vous voulez gagner beaucoup d’argent, vous en avez le droit, et vous le méritez.
Comment pourrait-on soutenir davantage la création d’entreprises à l'égard des femmes ?
Par l’exemple et l’éducation. Montrer très tôt dans les écoles des femmes d’entreprises à succès, plus de success-stories féminines dans les médias. Que cela devienne une norme et montre à tous que c’est possible de se lancer et de réussir ! Tout le monde devrait connaître le parcours inspirant de Yannick Cheffre, femme guadeloupéenne qui a dû surmonter beaucoup d’obstacles et qui est à la tête d’un des leaders du marché capillaire Afro, Activilong. Voir des femmes gagner beaucoup d’argent devrait être quelque chose d’aussi normal que de voir un homme dans le même cas. À mon avis, c’est une question sociétale.
Qu'est-ce qu'être une femme libre, selon vous, aujourd'hui ?
Je dirais une femme qui s’aime profondément, qui arrive à s’affranchir de ses propres croyances limitantes et des injonctions sociétales de ce que devrait être ou faire une femme. Et qui agit en conséquence.
Créer son business grâce au digital n’est pas tributaire d’un genre, d’une couleur de peau ou de l’âge.
D'où puisez-vous votre force ?
Du soutien de mon chéri et de ma famille. Du décès de ma tante assez brutal. Nous allons tous mourir. Alors, pourquoi ne pas aller au bout de nos envies ? Les personnes inspirantes, Oprah Winfrey, Lyvia Cairo, trentenaire guadeloupéenne qui devient millionnaire en voulant impacter le monde avec le mantra « être moi suffit ». Stéphanie Rénier, Antillaise également atypique par sa profession, qui a un patrimoine immobilier de 1 million d’euros après avoir été fichée à la Banque de France. Des femmes qui montrent que c’est possible d’atteindre sa version de la réussite, en étant soi et en cassant les codes.
Selon vous, comment le digital transforme-t-il la place des femmes ? Peut-il jouer un rôle dans la construction d’un monde plus égalitaire ?
Oh que oui ! Créer son business grâce au digital n’est pas tributaire d’un genre, d’une couleur de peau ou de l’âge. Par conséquent, le champ est beaucoup plus ouvert grâce au digital.
L’entrepreneuriat au féminin semble être un marronnier sociétal. N’avez-vous pas le sentiment que tous vos efforts et vos victoires ne sont ramenés qu’à une épopée de genre ?
Si c’est le cas, nous sommes encore loin de l’égalité homme-femme. Et à vrai dire, je ne me pose pas la question.
Quel type d’entrepreneure êtes-vous ?
Je n’en sais rien du tout (rires). Je n’aime pas poser d’étiquette, je fais, je tâtonne ; j’apprends encore beaucoup. On en reparle dans cinq ans ?
Créole trip vient de la résultante de ma manière de voyager à savoir rencontrer les locaux, faire des choses originales et l’amour viscéral que j’ai pour mon île avec l’envie de valoriser les Guadeloupéens et leur savoir-faire…
Votre projet professionnel a probablement bouleversé votre vie personnelle. Avez-vous été obligé de faire quelques concessions ?
C’est totalement cela, un bouleversement, notamment du point de vue familial. J’ai l’immense chance d’avoir un conjoint en or qui me soutient énormément. Les concessions sont familiales et c’est challengeant d’être une femme et mère entrepreneure avec l’injonction de réussir à tous les niveaux. Bonjour, culpabilité. Est-ce que les pères à poste à responsabilité ou entrepreneur sont face au même dilemme ?
Comment vous est venue l’idée de créoletrip.com ?
Créole trip vient de la résultante de ma manière de voyager, à savoir rencontrer les locaux, faire des choses originales et l’amour viscéral que j’ai pour mon île avec l’envie de valoriser les Guadeloupéens et leur savoir-faire que ce soit sur le plan gastronomique, culturel, et même du bien-être, mais insolite. J’ai gagné en compétence grâce au digital. J’ai tout financé sur mes fonds propres pour l’instant. Créoletrip.com permet de "siwoter" (profiter de) la Guadeloupe autrement.
Quel constat faites-vous de l’entrepreneuriat en Guadeloupe ?
Je n’ai pas assez de recul pour répondre à cette question. Cependant, je dirais que si les aides financières peuvent être traitées dans un délai plus adapté pour des créateurs d’entreprises notamment les start-ups, ce serait vraiment bénéfique. En effet, il faut pouvoir agir ou se réajuster rapidement et l’on sait que l’argent est le nerf de la guerre pour cela. Et la couverture numérique. Bosser dans le digital et galérer à avoir une connexion décente c’est un frein pour un développement économique lié au digital autant pour les potentiels clients que pour les entreprises.
Comment envisagez-vous le futur de votre entreprise ?
Apporter toujours plus de valeurs aux clients pour une expérience encore plus riche, complète, en diversifiant nos offres et conquérir d’autres Marchés.
Et si c’était à refaire ?
J’aurai pris un associé dès le départ. Bosser seule c’est très challengeant.
Un conseil pour nos lecteurs(rices) qui voudraient se lancer ?
Bossez dès le départ sur vos croyances limitantes (argent, etc.). Cela vous fera gagner du temps, lancez-vous même si ce n’est pas parfait.
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