Par Mélissa Méridan et Ludivine Prosper
Photo : Aman Abdulalim
Au vu des différentes crises que nous traversons depuis la pandémie de Covid-19, nos entreprises doivent faire face aux conséquences de ces situations inédites et déployer toutes les ressources pouvant permettre des sorties de crise positive. Un des outils disponibles pouvant aider certaines entreprises à faire face aux difficultés est l’Accord de performance collective. Sous cet intitulé, il est clairement indiqué qu’il s’agit d’une mesure visant à favoriser la préservation du collectif. Mais comment donner toutes ses chances à l’Accord de performance collective au sein de votre structure ?
Accord de performance collective.
Cet outil permet aux entreprises, de toute taille, confrontées à des difficultés économiques d’adapter le cadre habituel du travail dans leurs locaux afin de se donner plus de chance de traverser les difficultés rencontrées. Ainsi, l’Accord de performance collective, que nous appellerons APC, permet d’agir sur les éléments suivants : l’aménagement de la durée du travail et de la rémunération, les modalités d’organisation et de répartition de la durée du travail, l’identification des conditions de la mobilité professionnelle et géographique en interne. Les modalités définies vont supplanter l’existant dans les contrats de travail, et ce pour la durée d’application communément décidée. L’APC va donc permettre de s’adapter à la situation en gagnant en agilité et en flexibilité, le tout au service d’une sortie de crise collective. L’objectif est donc de préserver au maximum les emplois, les compétences et les talents de l’entreprise. Voyons dans un premier temps, comment le mettre en place.
(…) plus votre culture d’entreprise est connue, palpable et partagée en interne, plus il sera possible de faire bloc et de mobiliser le collectif sur l’APC…
Cas de l’entreprise de moins de 11 salariés et de 11 à 20 salariés dépourvue de CSE.
L’entreprise doit communiquer un projet d’accord à l’ensemble de ses collaborateurs pour ensuite organiser une concertation. Cette dernière ne pourra avoir lieu qu’à partir du 15e jour de la transmission du projet aux salariés. Pour être valide, ledit accord devra être voté par la majorité des deux tiers des collaborateurs. Une fois mis en place, chaque année avant la date d’anniversaire, l’accord pourra être dénoncé par chacune des parties : l’employeur ou la majorité des deux tiers des collaborateurs.
© Kam Idris
Cas de l’entreprise de plus de 11 à 50 salariés disposant d’un CSE.
Dans les entreprises dont l'effectif habituel est au moins égal à cinquante salariés, en l'absence de délégués syndicaux dans l'entreprise ou l'établissement, les membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique (CSE) peuvent négocier et conclure cet accord s'ils sont expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l'entreprise ou à défaut par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel. Les organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l'entreprise ou à défaut les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel sont informées par l'employeur de sa décision d'engager des négociations. Après négociation, la validité des accords est subordonnée à sa signature par les membres de la délégation du personnel du CSE représentant la majorité des suffrages exprimés en faveur des membres lors des dernières élections professionnelles.
Un collaborateur en confiance sera plus enclin à entendre et comprendre les difficultés rencontrées par l’entreprise et ainsi la nécessité des changements envisagés à travers le projet d’APC.
Pour ce qui est de l’organisation des négociations, l'employeur fait connaître son intention de négocier aux membres de la délégation du personnel du CSE par tout moyen. Les élus qui souhaitent négocier le font savoir dans un délai d'un mois et indiquent, le cas échéant, s'ils sont mandatés par une organisation mentionnée. À l'issue de ce délai, la négociation s'engage avec les salariés qui ont indiqué être mandatés par une organisation ou à défaut avec des salariés élus non mandatés. Mais au-delà du formalisme réglementaire, comment mobiliser autour de l’APC, comment faire pour que l’APC soit compris comme un outil de sauvegarde collectif ?
© Alexandra Gormago
Les critères facilitant l’APC.
La confiance envers sa direction.
Un collaborateur en confiance sera plus enclin à entendre et comprendre les difficultés rencontrées par l’entreprise et ainsi la nécessité des changements envisagés à travers le projet d’APC. Vos équipes et vous pourrez alors être concentrés sur la recherche de solutions collectives. Mais qu’est-ce qui favorise la confiance envers sa direction ? La transparence, la communication interne, l’équité, des décisions justes perçues comme telles, un management faisant grandir l’homme, l’association aux prises de décision… Il est également intéressant de noter que la confiance envers sa direction est fortement corrélée à la transparence de cette dernière et à la qualité de la communication interne.
Une compréhension des enjeux de l’entreprise .
Plus vos collaborateurs seront formés et accompagnés dans l’appropriation du fonctionnement global d’une entreprise, et plus particulièrement la leur, plus leur compréhension des retombées des évènements de la vie de l’entreprise et/ou du marché facilitera leur adaptation et adhésion aux choix stratégiques qui pourront en découler. De plus, cette compréhension permettra de rendre leur participation aux processus de décision encore plus percutante. Oui, il s’agit de la culture de l’entreprise de vos collaborateurs.
La culture d’entreprise.
Parallèlement, plus votre culture d’entreprise est connue, palpable et partagée en interne, plus il sera possible de faire bloc et de mobiliser le collectif sur l’APC, sur ce levier de préservation dans le temps de l’entreprise et de ses emplois. Détrompez-vous, la culture d’entreprise n’est pas que l’affaire des grandes entreprises. S’impliquer, se sentir concerné(e) en entreprise est aussi une affaire de sens, au-delà des responsabilités liées au poste occupé. Parce que, soyons honnêtes, un collaborateur qui « fait le job » et respecte les engagements de son contrat, c’est bien. Mais n’est-ce pas plus stimulant de collaborer avec des personnes concernées et impliquées ? Doublement intéressant : au quotidien vous irez plus loin et plus vite, et en temps de crise, vous ferez plus facilement bloc.
© Zac Wolff
Comment aller vers l’adhésion et la réussite de l’APC ?
Que les critères facilitants soient acquis ou pas dans votre organisation, vous pouvez adopter une stratégie favorisant l’adhésion. Un APC c’est du changement ! Selon les mesures envisagées, du changement dans la vie professionnelle et personnelle, en ce qui touche les revenus, les loisirs… Bref, potentiellement un projet non sans conséquence collectif et individuel. L’impact pour chacun des collaborateurs lui sera propre, il ne s’agit pas d’évaluer la pertinence des motifs justifiant les attitudes réfractaires, mais de venir accompagner les collaborateurs vers l’acceptation des changements en les guidant de la remise en question à la remobilisation à travers les différentes phases de la courbe du changement (déni, colère, peur, marchandage, dépression, acceptation, expérimentation…).
(…) il sera également important de faire régulièrement le point sur l’évolution de l’entreprise : les efforts consentis apportent-ils les résultats escomptés, une sortie de crise est-elle en vue à l’horizon ?
Soyez transparent, communiquez et adaptez votre communication à chaque population de l’entreprise. Vous donnerez ainsi plus de chance au projet d’être compris dans sa globalité : nécessité, finalité, mise en œuvre, incidences, conditions de réussites, facteurs d’échec, prévisionnel de sortie… Par ce biais, vous allez informer, rassurer et rallier le plus de collaborateurs que possible, faisant ainsi de certains des ambassadeurs. Et plus que tout : soyez disponible !
À défaut d’une communication de votre initiative, vous prenez le risque que les collaborateurs partent en quête d’information ailleurs et par voie de fait, le risque que les informations soient erronées. Aussi, assurez-vous de faire le maximum pour communiquer suffisamment en interne pour que chacun ait les fondements du projet que vous leur soumettrez, au-delà d’informations réglementaires dont vous avez l’obligation.
© Cléo Vermij
Et après ?
L’APC étant une aventure collective, vous vous devez de le vivre comme tel. Ici, accompagnez vos équipes dans la mise en œuvre de l’APC, dans la transformation réelle qui se met en place dans l’entreprise et dans les vies personnelles des collaborateurs. Prenez le temps de recueillir des retours d’expériences, d’entendre ce qui est plus compliqué que prévu pour les équipes, ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas… L’enjeu étant de garder le contact et de manager cet APC au quotidien afin de ne pas laisser s’installer des non-dits, des frustrations.
(…) la transparence et la communication seront vos plus grands alliés.
L’APC ayant pour objectif de traverser les difficultés, il sera également important de faire régulièrement le point sur l’évolution de l’entreprise : les efforts consentis apportent-ils les résultats escomptés, une sortie de crise est-elle en vue à l’horizon ? Ne l’oublions pas, l’objectif est la sortie de crise et le retour à une situation normale. Mais me direz-vous ? Et si la sortie de crise est plus compliquée que prévu ? Là aussi, la transparence et la communication seront vos plus grands alliés.
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